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Malgré la crise diplomatique entre le Niger et le Bénin avec pour corollaire la fermeture de la frontière nigérienne, les cargaisons de pétrole nigérien continuent d’être expédiées via la plateforme pétrolière de Sèmè-Kpodji. Ces exportations, maintenues, soulignent le rôle déterminant de la Chine dans la médiation de cette crise complexe.
L’exportation de pétrole via le pipeline entre Agadem (Niger) et Sèmè-Kpodji (Bénin) semblait compromise avec le coup d’Etat du général Tiani en 2023. Niamey, accusant Porto-Novo d’abriter « des bases françaises », a maintenu ses frontières fermées. Porto-Novo conditionne le démarrage de l’exportation du pétrole à la réouverture des frontières nigériennes gardées fermées malgré la levée des sanctions de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Ce blocus affecte non seulement l’économie nigérienne, qui perd chaque jour près de 1,8 million de dollars, mais aussi celle du Bénin. La phase d’exploitation devait générer plus de 300 milliards de F CFA pour le Bénin en termes de transit et recettes fiscales et 500 emplois permanents (300 au Niger et 2OO au Bénin). Plus grave, un investissement direct de 4,5 milliards de dollars US (2500 milliards FCFA environ) est englué dans un imbroglio diplomatique.
Consciente des enjeux économiques et géopolitiques, la Chine a rapidement entrepris une médiation pour apaiser les tensions. Pékin a envoyé des émissaires auprès des autorités béninoises et nigériennes pour ouvrir un dialogue et s’assurer que les termes du contrat tripartite, signé en 2019, soient respectés.
« Le gouvernement chinois entend bien jouer un rôle de bons offices, de médiateur, dans le respect total des pays régionaux pour trouver une solution politique à cette crise nigérienne », a martelé l’Ambassadeur de Chine au Niger, son Excellence Jing Feng, en septembre 2023 à l’issue d’une rencontre avec le Premier ministre nigérien de transition Mahamane Lamine Zeine.
Une délégation de China National Petroleum Corporation (CNPC), la société chinoise en charge de la construction et de l’exploitation du pipeline d’export Bénin-Niger, est reçue à Cotonou le 15 mai 2024 par le Chef de l’Etat béninois Patrice Talon. A l’issue de la réunion, le Bénin autorise « ponctuellement et provisoirement », le tout premier navire à charger le brut nigérien sur la plate-forme de Sèmè. Un comité inter-États Bénin-Niger, chargé de dissiper les difficultés et les incompréhensions, est mis sur pied. Le premier navire chargé de pétrole brut nigérien quitte les eaux béninoises le 19 mai 2024 avec à son bord, un million de barils. Mais l’autorisation ne suffit pas pour lancer l’exploitation normale de la plateforme.
Une stratégie de négociation prolongée…
Le 30 mai 2024, en mission de bons offices, son Excellence PENG Jingtao, Ambassadeur de la Chine près le Bénin, se porte auprès du président Patrice Talon. En intervenant comme médiateur, Pékin renforce son image de puissance pacificatrice et consolide les intérêts des pays parties au projet de pipeline dont le Niger, le Bénin. Mais les vannes seront à nouveau fermées suite à l’arrestation le 5 juin de cinq Nigériens qui se sont introduits sur le terminal pétrolier béninois de Sèmè-Kpodji sans décliner leur identité. Malgré l’intensification de la crise, des cargaisons de pétrole continuent d’être acheminées.
Un deuxième navire chargé d’environ 1 million de barils de brut nigérien quitte les eaux béninoises le 20 août 2024. En septembre, un troisième tanker, le Samsara, a également pu exporter 150 000 tonnes de pétrole brut. Un quatrième chargement de pétrole brut nigérien a quitté le terminal pétrolier de Sèmè le 16 octobre 2024 avec une cargaison de 155.000 m³ de pétrole brut en direction de Singapour. Le navire ‘’Pertamina Halmahera’’ quittera la station terminale de Sèmè le 22 octobre 2024 en direction de la Malaisie avec 130.000 tonnes de pétrole brut.
Pour un symbole de normalisation…
La poursuite des exportations de pétrole nigérien en dépit de la fermeture des frontières souligne l’importance du rôle de la Chine dans le maintien de ce projet stratégique. Grâce à des négociations continues et une approche pragmatique, Pékin permet aux deux pays de tirer parti des ressources pétrolières, malgré un contexte politique tendu.
Cependant, pour une production pétrolière attendue à 110.000 barils dont 90.000 barils sont destinés à l’exportation et un acheminement continu vers le port de Sèmè, le pipeline stratégique Niger-Bénin semble réduit à des expéditions sporadiques. Toute chose qui fragilise les perspectives économiques.
L’avenir du pipeline d’export reste tributaire de la qualité des relations diplomatiques entre le Niger et le Bénin. L’enjeu pour les trois acteurs — le Niger, le Bénin, et la Chine — est de parvenir à stabiliser cette relation pour éviter des pertes financières colossales et garantir la rentabilité de leurs investissements respectifs. Si les chargements actuels marquent un progrès, la normalisation des relations reste cruciale pour garantir une exploitation durable de cette infrastructure pétrolière majeure.
Marc MENSAH
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