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Dans l’arrondissement de Dédékpoè, commune d’Athiémé se tient quotidiennement un marché atypique, le marché exclusivement de crincrin. Seulement ce marché s’éteint à petits coups du fait que les acheteurs se font de plus en plus rares.
La commune d’Athiémé est connue pour sa réputation en matière de production de corète potagère (crincrin ou adémé en langues locales). Encore appelé mauve des Juifs, cette plante tropicale de la famille des Malvacées, est très prisée dans la gastronomie béninoise. Et les paysans et jardiniers de la commune d’Athiémé en ont fait une spécialité dans leur production.
‘’Ici, nous sommes presque tous des agriculteurs. Nous cultivons un peu de tous. Mais nous tous nous produisons du crincrin. C’est en quelque sorte notre spécialité. Si l’agriculteur de Ahoho ne produit pas du crincrin, il va faire quoi d’autre ?’’, s’exclame avec sourire Kouassi Eli Boutamekpo, chef du village d’Ahoho.
Et pour avoir une importante quantité de cette plante, les paysans utilisent des engrais. Eli Boutamekpo reconnait que le crincrin produit avec engrais est toujours différent de celui produit sans engrais. Pourtant, il affirme que sans engrais, ils n’arrivent pas à faire de bonnes récoltes quand bien même il reconnaît que ces engrais pourraient avoir des impacts sur la santé des consommateurs.
L’usage des engrais est devenu une habitude. ‘’Nous mettons les engrais. Après la première récolte, nous arrosons encore les plantes d’engrais ainsi de suite jusqu’à la 3ème et 4ème récolte avant d’abandonner ce champ pour un autre. Sans les engrais, on n’arrive pas à faire autant de récoltes et ce n’est pas rentable pour nous.’’, confirme dame Gnonouvi Zodanou.
Comme l’a souligné le chef village, les entrepreneurs agricoles de cette commune ont presque tous opté pour cette production, d’où l’animation de marché d’écoulement. Ces marchés sont animés surtout dans la soirée et on en dénombre essentiellement deux : un au rond-point de Condji-Hougba et le deuxième à Ahoho.
Si le marché de crincrin de Condji-Hougba n’est pas construit en bonne et due forme, celui d’Ahoho dispose de quelques infrastructures marchandes. Mais paradoxalement, ce marché peine à trouver ses repères malgré les investissements des autorités locales.
Marché sans acheteurs
A l’entrée du village Ahoho, dans l’angle de la voie en « Y », se dresse le marché de crincrin de ce village. On y voit deux grands hangars composés de plusieurs compartiments. Devant les hangars, il est construit un vaste séchoir pour permettre aux commerçantes de sécher leurs marchandises une fois sur place. Mais ce qui frappe à l’œil, c’est l’état d’abandon que présente ce marché aux visiteurs. Ce lieu d’échanges est quasiment dans la brousse et ne montre aucun signe de fréquentation régulière. Et pourtant, il est dit que ce marché s’anime tous les soirs entre 15h et 21h. ‘’Notre marché s’anime normalement entre juillet et décembre. Mais pendant les périodes de crue du fleuve Mono généralement en septembre, il ne s’anime pas. Les principaux acteurs de ce marché sont les habitants de ce village et des localités environnantes tels Dédékpoé, Abloganmé, Djassin-Condji. De plus, nous avons une frontière avec la République togolaise par le fleuve et les voisins aussi apportaient leur production dans notre marché. Les potentiels acheteurs viennent de Cotonou’’, explique Elie Boutamékpo. Le chef village ajoute que depuis un certain temps, les clients se font de plus en plus rares dans ce marché. Un constat qu’il explique par le fait que les vendeuses préfèrent désormais écouler leur produit dans le Togo voisin. Et pour cause, le produit s’y vend à bon prix et payé au comptant.
‘’La grande difficulté que nous avons, est que les acheteurs d’ici n’aiment pas payer à temps les vendeuses. On fait trainer les femmes et c’est tard dans la nuit qu’on finit par payer’’, déplore-t-il.
Gnonouvi Zodanou ajoute que le marché ne s’anime qu’entre villageois. Et du coup, ce qui pourrait être vendu à 1.000 francs CFA est liquidé à 500 francs CFA, ce qui constitue une perte énorme pour les producteurs.
Et malgré le prix bas, il faut des fois attendre 4 à 8 jours avant d’être payé alors qu’on nous dit que les produits sont envoyés à Cotonou ou au Nigéria. Du coup, affirme-t-elle, quand nous apprenons qu’au Togo voisin le prix de vente est à 800 ou 1200 FCFA, nous partons toutes là-bas pour vendre. ‘’On nous a construit un beau marché mais nous manquons d’acheteurs’’, conclut-elle.
Contrairement au marché informel de Condji-Hougba qui s’anime juste au niveau du carrefour à ciel ouvert avec des acheteurs venant d’horizons divers, le marché de crincrin d’Ahoho peine à trouver de clients.
Cri de cœur des villageois
Tout en étant reconnaissant pour le marché implanté dans leur localité, les villageois d’Ahoho se tournent encore vers les autorités communales pour les aider à l’animation effective de ce marché. ‘’Nous avons un marché bien construit doté d’une aire de séchage mais nous allons dans le Togo pour faire écouler nos productions car nous ne trouvons pas d’acheteurs ici à bon prix. Nous implorons nos autorités communales à faire des communiqués sur les radios de proximité afin que les gens sachent qu’il y a un tel marché ici à Ahoho.’’, suggère dame Dayovo Abalè pour qui la communication autour de ce marché est une alternative crédible pour relancer les activités.
Les productrices de ce village veulent donc que tout soit mis en œuvre pour que leur marché soit connu et ouvert aux acheteurs étrangers.
A quoi sert-il d’investir dans les infrastructures marchandes, si elles ne doivent pas être utiles aux populations ?
Le maire de la commune d’Athiémé est ainsi interpelé. Fort de ses ambitions pour le rayonnement social de sa commune, le maire Saturnin Dansou ne restera certainement pas sourd aux cris de détresse des populations d’Ahoho.
Le marché de crincrin est une potentielle source de mobilisation de ressources propres pour la commune d’Athiémé. Mais par faute de clients, il ne s’anime pas comme cela se doit, obligeant les producteurs à se rabattre sur le marché togolais.
Œuvrer pour son animation serait profitable non seulement aux producteurs mais aussi à la commune qui pourra profiter des taxes de développement local.
Cokou Romain COKOU
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