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Dans le paysage artistique contemporain de l’Afrique de l’Ouest, Kunakey Dzidu Koku occupe une place singulière. Né en 1969 au Togo, cet artiste pluridisciplinaire (sculpteur, peintre et performeur) interroge sans relâche les liens entre mémoire, spiritualité, identité et matière. Ses œuvres, en constante évolution, se nourrissent des racines profondes de la culture togolaise tout en dialoguant avec les langages plastiques universels. Entre abstraction et narration, émotion brute et maîtrise technique, Kunakey Dzidu Koku construit un parcours où chaque création devient un acte de résistance poétique et politique.
Une quête intérieure et collective
L’itinéraire artistique de Kunakey Dzidu Koku débute dans les années 1980, alors que le Togo vit des mutations politiques et sociales profondes. Très tôt attiré par le dessin et le façonnage de matériaux naturels, il développe une relation intuitive à la matière, influencée par les rituels traditionnels et les symboles vodou omniprésents dans son environnement. Mais ce n’est qu’en 2010, qu’il s’est donné corps et âme à sa passion quand son grand-frère et certains de ses amis ont mis sur les fonds baptismaux l’association Cercle de Réflexion Culturelle. Loin des écoles académiques, il se forme au contact d’artisans, de maîtres traditionnels, et de rencontres déterminantes avec d’autres artistes d’Afrique de l’Ouest. Ce parcours d’autodidacte éclairé forge chez lui une liberté de ton et une approche expérimentale que l’on retrouve dans l’ensemble de son œuvre.
Entre tradition et expérimentation
Kunakey Dzidu Koku ne se laisse enfermer dans aucune discipline. Il travaille aussi bien le bois, la terre, le métal recyclé que la toile ou le corps humain. Dans ses sculptures, il marie des matériaux de récupération (fer, câbles, ossements, tissus) à des éléments naturels (bois, argile, pigments). Ses peintures mêlent collages, encres, cendres, sable et techniques mixtes dans une explosion contrôlée de formes et de textures. La performance, chez lui, devient un prolongement de ses œuvres plastiques : il y engage son propre corps comme support, outil et message, dans des actes souvent rituels, méditatifs ou dénonciateurs. Cette hybridité technique est à l’image de sa démarche : un art du passage, du pont, du lien.
Entre mémoire, spiritualité et engagement
Pour Kunakey Dzidu Koku, l’art est un acte de mémoire et de guérison. Il puise dans les traditions orales, les symboles animistes, les récits oubliés, pour réactiver les consciences et raviver des identités fragmentées. Ses œuvres sont traversées par une spiritualité profonde, non dogmatique, qui célèbre les forces invisibles, les ancêtres, les énergies de la nature. En même temps, il s’inscrit dans une posture critique vis-à-vis des violences du passé colonial, de l’oubli culturel et des dérives modernes. Son art devient un lieu de réconciliation entre les mémoires blessées et les futurs possibles, entre le sacré et le politique.
L’humain, la mémoire et la nature
L’humain, dans ses dimensions corporelle, sociale et spirituelle, est au centre du travail de Koku. Il interroge les fractures identitaires, les exils, les silences de l’histoire, les violences faites aux corps et aux cultures. Les figures qu’il sculpte ou peint sont souvent en tension, fragmentées, recomposées, mais toujours habitées. La nature est une autre constante de son œuvre, non pas décorative, mais essentielle, source d’inspiration, d’énergie et de symboles. Enfin, il explore aussi la condition contemporaine africaine : les conflits, l’urbanisation dévorante, la question de l’héritage, les sujets environnementaux... Chaque œuvre devient ainsi un palimpseste de strates historiques, culturelles et émotionnelles.
Projets et rayonnement
Kunakey Dzidu Koku a participé à de nombreuses expositions en Afrique. Il mène aussi des projets communautaires, éducatifs et environnementaux, convaincu que l’art peut transformer les sociétés. Son implication dans les performances de rue, les ateliers avec les jeunes, les résidences d’artistes et les installations in situ témoigne d’un désir constant de sortir l’art des galeries pour le rendre vivant et accessible. Il prépare actuellement une série de performances autour du thème de la "terre-mémoire", en lien avec les migrations et la revalorisation des savoirs ancestraux. Son plus grand rêve est de voir ses œuvres dans les galeries de renommée mondiale en Europe et en Amérique.
Kunakey Dzidu Koku est de ces artistes rares dont l’œuvre échappe aux cases et aux étiquettes. Par son engagement, sa créativité sans frontières et son enracinement profond dans les réalités africaines, il construit un langage propre, exigeant, poétique et profondément humain. À travers ses sculptures, ses toiles et ses performances, il nous invite à regarder autrement, à écouter ce que la matière nous dit, à ressentir ce que les mémoires n’ont pas fini de nous raconter.
Cokou Romain AHLINVI