1311 visiteurs en ce moment
Dans la nuit du 30 avril au 1er mai 2021, trois garçons travestis ( Kani, Fati et Jennifer) avaient été lynchés à Cotonou. En attendant les poursuites judiciaires engagées contre les auteurs de cette agression, les trois filles ont fait le récit de leur calvaire à Amnesty International.
La scène de cette agression qui s’est déroulée dans la nuit du 30 avril au 1er mai a été filmée par les agresseurs et la vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. Après leur agression, Kani, Fati et Jennifer (noms par lesquels ils se font passer pour elles), qui ont trouvé refuge auprès d’une association, ont continué de recevoir des menaces.
Kani, Fati et Jennifer ont déclaré à Amnesty International qu’ils ( elles) ont été victimes d’un piège tendu par un de leurs ’’amis’’. Ce dernier les avait invitées à un ’’anniversaire’’ dans un bar qu’elles avaient l’habitude de fréquenter à Cotonou.
A leur arrivée sur les lieux, les trois travestis ont senti que l’anniversaire en question n’aurait pas lieu. Leur ’’ami’’ faisait des va-et-vient à l’intérieur du bar, et des hommes qu’elles ne connaissaient pas venaient s’asseoir à tour de rôle à côté d’elles, comme pour les observer de près.
L’une d’elles a fait le récit suivant à Amnesty International :
« Notre ’’ami’’ a appelé Fati à l’extérieur, mais une fois dehors il n’était plus là. Deux garçons ont alors commencé à l’agresser et à voler ses biens, après lui avoir demandé si elle était un homme ou une femme. Nous avons voulu sortir pour la rejoindre mais la porte avait été fermée. On ne pouvait ni s’enfuir, ni aider Fati. Finalement la porte a été ouverte et nous nous sommes aussi retrouvées dehors avec elle. On m’a demandé si je suis un garçon ou une femme, je n’ai pas répondu, puis j’ai dit que je suis une femme transgenre. L’homme qui m’a posé la question n’a pas compris ce que je disais. Il m’a alors touché et a commencé à me gifler quand il a constaté que je n’avais pas de seins. »
Elle (il) a ajouté :
« On avait déjà commencé à nous prendre en photo. Ensuite les gars ont commencé à nous menacer en nous demandant de nous déshabiller. Ils ont commencé à le faire avec force, à tirer nos vêtements. Je criais qu’ils n’ont qu’à nous amener au commissariat de police. Ils ont continué à me frapper, ensuite j’ai essayé de défendre Fati, et à ce moment un gars m’a frappé au cou avec une bouteille de bière. Pendant tout ce temps, des gens nous filmaient et nous photographiaient (…) Finalement nous avons pu nous enfuir grâce à des conducteurs de taxi-moto. »
Amnesty International a visionné plusieurs vidéos qui montrent une foule bruyante d’hommes faire face à Kani, Fati et Jennifer, acculé(e)s contre un mur, contraint(e)s de se déshabiller et empêché(e)s de dissimuler leur sexe avec les mains.
Le certificat médical de l’un(e) des victimes, consulté par l’organisation, conclut à une « contusion corporelle sévère compatible avec les sévices que la patiente déclare avoir subi », et prescrit une semaine d’incapacité totale de travail.
Depuis l’agression, aucune d’elles n’a pu retourner à son domicile. Après la diffusion des vidéos sur les réseaux sociaux, certains de leurs parents ont menacé de les tuer ou de les empoisonner si elles rentraient chez elles. D’autres parents leur ont conseillé de se mettre à l’abri quelque temps.
Dans la nuit du 1er au 2 mai, deux individus se sont introduits dans le logement géré par l’association où les trois victimes ont trouvé refuge.
“Ils ont escaladé pour entrer dans la cour du bâtiment, mais ont été repérés par des gens qui ont crié pour les faire fuir,” a déclaré à Amnesty International le président de l’association. Il a indiqué que dans la journée, une foule s’était attroupée devant le bâtiment, en pointant du doigt les gens qui y entraient et sortaient. Il a déclaré à Amnesty International se sentir menacé.
D’autres associations béninoises de défense des droits des lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) qui ont publiquement ou non pris la défense des trois personnes agressées ont, à leur tour, été victimes de menaces.
La présidente de l’une de ces associations a déclaré à Amnesty International :
« Avant l’agression de ces trois filles ( garçons ), j’étais déjà la cible d’insultes auxquelles je ne répondais jamais. Après l’agression la situation a empiré. Cinq membres de l’association dont moi-même, ont reçu des menaces. Dans mon quartier, j’arrive difficilement à sortir, et mes parents ont menacé de me renvoyer de la maison en m’accusant d’être un enfant maudit. »
La présidente et fondatrice d’une autre organisation a également déclaré à Amnesty International avoir reçu des menaces de mort et de viol par téléphone, après qu’elle a dénoncé l’agression des trois femmes dans une vidéo publiée le 2 mai sur la page Facebook de l’association.
LA RÉDACTION