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L’axe commercial Cotonou - Niamey est toujours renforcé malgré les quelques pics politico-diplomatiques que se lancent les autorités des deux pays. Plus que jamais, l’enjeu économique est au cœur des échanges par l’entremise de la société Wapco et CNPC qui gèrent l’oléoduc qui relie les deux nations. Face à cet enjeu et au nom de l’intérêt du peuple, des actions doivent être menées.
Le pétrole brut nigérien dans des turbines depuis Agadem (Niger) pour atterrir au port en eau profonde de Sèmè-Podji (Bénin) après avoir parcouru près de 1 982 km dont 1 298 au Niger et 684 km au Bénin. C’était l’espoir du siècle lors du lancement des travaux au Bénin avec la société China National Petroleum Corporation (CNPC) en 2019. En ce moment, les relations entre les deux pays étaient au beau fixe et malgré les alternatives (pipeline Niger - Tchad - Cameroun ou pipeline Niger -Nigeria), le Président d’alors, Mahamadou Issoufou n’a trouvé aucune gêne de faire le choix du Bénin faisant de ce pipeline, le plus long de l’Afrique.
Le pipeline permet au Niger de faire couler 20 000 barils de pétrole par jour pour les premières années. A la longue, cette capacité passera à 110 000 barils par jour. Pour un bon acheminement, l’infrastructure ayant une capacité de transport de 4,5 millions de tonnes par an, soit 35 millions de barils est dotée de huit (8) stations de pompage dont six au Niger et deux au Bénin. Pour ce dernier, la première station est construite à Gogounou et la seconde à Tchaourou. Le projet a également construit vingt-quatre vannes et une station terminale et d’exportation à Sèmè. D’une superficie totale d’environ 250.000m2, les installations se divisent en six zones dont celle de production des auxiliaires, celle de magasinage, de maintenance, de bureau, d’habitation et de réserves. Sur la partie maritime de 15 km, il s’agit de l’installation d’un système d’amarrage à point unique dont la fonction sera de charger les navires pour l’exportation.
Pour ce projet transnational, le Bénin bénéficie de près de 300 milliards de francs CFA (environ 460 millions d’euros) comme droits de transits et recettes fiscales durant les vingt premières années d’exploitation du pipeline qui devrait avoir une durée de vie estimée à quarante ans. Grâce à cette infrastructure, le pays pourra ainsi devenir un acteur important du secteur pétrolier africain, bien qu’il ne soit pas un producteur. Quant au Niger, pays désormais producteur de pétrole, la production devra tripler ses recettes fiscales.
En avril 2024, le gouvernement nigérien a annoncé avoir obtenu 400 millions de dollars de son partenaire chinois, au titre d’une avance sur ses ventes de pétrole brut dont la commercialisation n’a débuté qu’en mai dernier avec le chargement du tout premier navire au port en eau profonde de Sèmè-Podji (Bénin). Ce versement de 400 millions de dollars n’est qu’un prêt que le Niger devra rembourser avec un taux d’intérêt de 7% sur douze (12) mois.
Le remboursement de ce prêt est conditionné au fonctionnement des relations entre le Niger et le Bénin pour un acheminement sans gêne de ce pétrole brut via le port en eau profonde de Sèmè-Podji.
Renforcer les liens pour un développement harmonieux
Les relations entre le Niger et le Bénin qui, jadis, faisaient le bonheur des populations des deux pays, se sont considérablement dégradées suite au coup d’État survenu au Niger le 26 juillet 2023 avec le renversement du Président Bazoum. Le Bénin a suivi les recommandations de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui a imposé des sanctions, y compris la fermeture des frontières des pays membres avec le Niger. A la levée des sanctions par l’institution, le Bénin qui avait d’ailleurs plaidé pour cette levée, a vite ouvert ses frontières tant terrestres que aériennes. Mais paradoxalement, le Niger a refusé de faire de même occasionnant ainsi plus de tension politico-diplomatique entre les deux pays.
"Nous avons dit aux Chinois qu’il ne peut pas y avoir de bateaux dans nos eaux pour charger des produits nigériens, alors que le Niger a interdit tout échange avec le Bénin en fermant ses frontières", a indiqué le président Talon dans un entretien à la télévision publique béninoise, mercredi 9 mai 2024. Une décision du gouvernement béninois qui a suscité un tollé dans la presse nigérienne. La condition, selon le Président béninois, c’était que le Niger rouvre ses frontières avec le Bénin afin que les échanges se déroulent dans un cadre légal et formel. Mais en réponse à cette interdiction d’embarquement, le premier ministre nigérien s’est lavé les mains, renvoyant ainsi la balle à la partie chinoise, responsable de l’acheminement et de l’exportation de ce pétrole brut nigérien. Le travail des lobbyistes a finalement permis aux autorités béninoises de revoir cette décision et d’autoriser temporairement le chargement du pétrole brut dans le premier navire.
“Il est important de noter que cette autorisation provisoire telle que mentionnée dans la lettre de la douane nigérienne ne saurait être érigée en règle de conduite pour l’exploitation normale du pipeline qui doit se faire dans un cadre normal de relations entre États. En vertu de l’article 21 et 22 de l’accord bilatéral et de l’article 10.4 de l’accord du Gouvernement hôte, la société WAPCO a sollicité la réunion du comité inter-Etats Bénin-Niger de pilotage du projet aux fins d’examiner les sujets urgents liés à la bonne conduite des opérations d’exploitation du pipeline . Notre pays le Bénin a donné son accord pour la tenue de cette réunion”, a précisé le Ministre béninois de l’Eau, de l’Énergie et des Mines. Cette autorisation a confirmé la bonne foi du Gouvernement du Président Patrice Talon qui voudrait un rétablissement plus rapide des relations entre les deux États.
Toujours dans cette volonté de rétablir les relations, le ministre béninois de l’Energie Samou Seïdou Adambi s’est rendu à Niamey le 29 mai 2024, sur instruction du Président béninois, Patrice Talon. Mais contre toute attente, il n’a pas pu rencontrer le Président du Niger, le Général Abdourahamane Tiani, à qui il devait remettre un message du président béninois Patrice Talon.
"J’étais porteur d’un message du Président de la République, Son Excellence Monsieur Patrice Talon, à son homologue et frère nigérien Tiani Abdourahamane qui n’a pas pu me recevoir pour prendre ce message-là", a indiqué le ministre dans une déclaration faite devant la presse béninoise. Le ministre Adambi s’était déplacé à Niamey pour une rencontre avec les parties nigérienne et chinoise au sujet du pipeline par lequel la société chinoise WAPCO exporte le pétrole brut nigérien à partir du port béninois de Sèmè-Podji.
"Le Bénin continuera à jouer son rôle dans les relations bilatérales avec le Niger et ses obligations par rapport au projet du pipeline", a assuré le ministre.
Alors que cette actualité continue toujours de faire écho dans la presse tant nationale qu’internationale, l’on apprend l’entrée frauduleuse et l’arrestation de cinq (5) Nigériens sur le site de terminal de WAPCO à Sèmè-Podji, Bénin. Dans sa sortie médiatique, le procureur de la République de la Cour de repression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET), a par ailleurs précisé que “l’enquête a formellement établi qu’au moins deux parmi ces personnes sont des agents nigériens au service du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP). Il se sont fait confectionner pour la circonstance de faux badges d’employés de WAPCO Niger”.
Cette arrestation a également fait réagir les autorités nigériennes. Lors d’un point de presse animé le 30 mai 2024 à Niamey, le ministre du pétrole et son homologue de la justice ont annoncé des mesures urgentes que prendra le Niger au cas où les 5 Nigériens arrêtés à Cotonou ne sont pas immédiatement relâchés.
“Nous avons déjà écrit à WAPCO Bénin pour lui dire de ne permettre aucun changement, aucune goutte de pétrole tant que nos représentants ne seraient pas autorisés à opérer”, a signifié le ministre nigérien du pétrole lors de ce point de presse. Les autorités nigériennes, lors de cette sortie médiatique, ont menacé de stopper la production et l’acheminement du pétrole via ce pipeline si le Bénin ne se conforme pas, sans condition, à leurs exigences. Ce qui a été fait ce vendredi 7 juin 2024 avec l’arrêt des travaux sur le site.
Le Niger, en suspendant ou arrêtant la production, devra dépenser cher pour sa reprise. La reprise des travaux sera plus coûteuse pour la partie nigérienne qui devra dépenser des sommes faramineuses pour le nettoyage du pipeline sur les 2 000 km. Au même moment, chaque jour d’arrêt de travail constitue une perte d’une semaine et chaque jour sans travail constitue un manque s’élevant à des millions de francs CFA. Ce qui pourrait dramatiquement empiéter sur l’échéance de paiement de prêt déjà reçu de la société chinoise en garantissant la production et la vente de pétrole brut.
Le Bénin sera économiquement affecté avec cet arrêt des travaux, mais le gros perdant sera inévitablement le Niger qui compte véritablement sur ce pétrole pour se libérer de la domination française et de la monnaie franc CFA.